SHARAKU (TOSHUSAI)

SHARAKU (TOSHUSAI)
SHARAKU (TOSHUSAI)

On ne sait à peu près rien de la vie de T 拏sh sai Sharaku, qui est pourtant une des figures les plus marquantes de l’Ukiyo-e. Il apparaît comme un isolé, n’appartenant à aucun groupe, à aucune école. Le peu de renseignements que donnent les sources contemporaines sont souvent contradictoires. Il semble toutefois que, sous le nom de Saito J r 拏bei, il ait été acteur de n 拏 dans la troupe du seigneur d’Awa. On a dit aussi que ses estampes avaient eu peu de succès en raison du réalisme excessif de ses portraits, mais cela est contredit par le fait qu’il a eu de nombreux imitateurs. Les textes ne sont même pas d’accord sur la date de sa mort (1801? 1822?). Le seul fait certain est que toute son œuvre se situe entre le cinquième mois de 1794 et le début de 1795. De sa production, qui ne s’étend que sur ces quelque dix mois, il survit aujourd’hui 141 estampes polychromes et environ 17 esquisses. La surprenante brièveté de la carrière de Sharaku demeure un mystère. Il est à noter qu’il n’a travaillé que pour le seul Tsutaya J zabur 拏, un des principaux éditeurs de l’époque. On peut se demander si ses estampes ont été destinées à la vente ou n’auraient pas plutôt été exécutées dans un dessein précis, sous le patronage d’un protecteur.

Le peintre du théâtre

L’ère Kansei (1789-1801), durant laquelle Sharaku a travaillé, correspond, avec la période précédente (ère Temmei, 1781-1788), à l’âge d’or de l’Ukiyo-e et au point culminant de la culture des riches marchands d’Edo. Le théâtre kabuki jouit toujours d’une grande popularité et ses acteurs sont les idoles du peuple. C’est parmi les trois troupes d’Edo – Miyako-za, Kawarazaki-za, Kiri-za – que Sharaku prend ses modèles. La grande majorité de ses estampes, en effet, sont des portraits d’acteurs. Il faut y ajouter ceux de quelques lutteurs de sumo (lutte japonaise) et de rares images de guerriers. L’estampe de théâtre est l’héritière d’une longue tradition, maintenue depuis la fin du XVIIe siècle par l’école des Torii. Ceux-ci cherchaient surtout à évoquer l’atmosphère du kabuki , la somptuosité de ses costumes, les attitudes outrées de ses acteurs. Au cours du XVIIIe siècle, avec Bunch 拏, Shunsh 拏, Kiyonaga, le réalisme se développe avec des visages «à la ressemblance» (nigao-e ), qui conduisent au portrait en buste (okubi-e ). Sharaku donnera à cette formule une expression magistrale.

L’œuvre de Sharaku se répartit en quatre groupes, qui jalonnent l’évolution de son art:

– 28 estampes de format 拏ban (38,2 憐 23 cm), portraits en buste, à fond micacé (kirara ), d’acteurs ayant joué dans les trois théâtres durant le cinquième mois de 1794;

– 38 estampes, dont 8 拏ban et 30 hosoban (33 憐 14,3 cm), portraits en pied, avec parfois deux personnages groupés, correspondant aux représentations données durant les septième et huitième mois de 1794;

– 61 estampes, dont 3 拏ban , 45 hosoban et 13 aiban (34,5 憐 22,6 cm), se référant au onzième mois de 1794: portraits d’acteurs en pied (sauf trois en buste) et quatre portraits d’athlètes ayant participé à un tournoi de sumo durant le même mois;

– 14 estampes (1 拏ban , 10 hosoban , 3 aiban ), portraits en pied d’acteurs, de guerriers et d’un lutteur, datant de la saison du nouvel an (début 1795).

Pour toutes ces estampes, les acteurs ont pu être identifiés par leur blason (mon ), visible sur le vêtement, et la plupart des rôles reconnus grâce aux programmes (banzuke ) qui ont été conservés.

L’œuvre d’un portraitiste

Les deux premiers groupes d’estampes sont à tous égards les plus remarquables. Sharaku a atteint d’emblée la perfection de son art, notamment dans les portraits en buste, chefs-d’œuvre qui ont consacré sa renommée. D’une part, il y a utilisé de grands raffinements techniques: fonds micacés argentés qui semblent projeter la figure en avant, tracés en creux ou en relief, gaufrages qui font valoir la texture des tissus. D’autre part, il a su se limiter à l’essentiel sans recourir au détail superflu. La ligne, concise, expressive, évoque dans son économie l’ensemble du corps, sa stature, son maintien, son mouvement. La couleur, aux tons sobres et qui fait grand usage de noirs savamment balancés, parvient à suggérer, en dépit des aplats, la masse, le volume; elle s’accorde au caractère du personnage, ou encore à l’action, les tonalités sombres par exemple mettant l’accent sur les situations les plus dramatiques. Dans les visages au tracé aigu jouent seuls les yeux, les sourcils, la bouche: avec les gestes des mains, ils suffisent à révéler tout à la fois, avec une implacable sûreté, la personnalité de l’acteur et celle qu’il assume dans son rôle.

On a dit de l’art de Sharaku qu’il était cruel et brutal: il l’est en effet, mais comme le sont les drames mêmes du kabuki , longues intrigues pleines de complots, de meurtres, de vengeances. Dans ces estampes, les rôles violents dominent et Sharaku y met à nu, comme nul autre, le contenu psychologique d’un visage. Mais il a su exprimer aussi le charme de ses modèles féminins, par des attitudes empreintes de grâce et des harmonies colorées particulièrement délicates.

Dans le second groupe, les estampes à deux personnages révèlent une grande virtuosité dans l’équilibre de la composition, faisant ressortir le contraste de gestes et de caractères qui s’opposent ou se complètent.

À la fin de 1794 et au début de 1795, l’art de Sharaku paraît moins puissant, moins exceptionnellement sobre et viril. L’intensité dramatique demeure, mais s’accompagne d’une recherche décorative qui se traduit par la complexité des costumes, une abondance d’accessoires, une gesticulation parfois excessive qui détournent l’attention du portrait proprement dit. Les fonds micacés et les autres subtilités de la technique ont été abandonnés, sans doute parce que trop coûteux, soit pour se conformer à des édits d’austérité qui ont marqué l’ère Kansei, soit que ces restrictions aient été imposées par l’éditeur. Les fonds unis sont généralement jaunes; on voit apparaître aussi des arrière-plans qui permettaient de grouper les personnages d’une même pièce en série. Notons enfin que, durant cette dernière période, la signature T 拏sh sai Sharaku ga utilisée au début est simplifiée sous la forme Sharaku ga .
Sharaku a eu de nombreux imitateurs, parmi lesquels Kabukid 拏 Enky 拏, Utagawa Kunimasa et Utagawa Toyokuni, qui ont perpétué au XIXe siècle la tradition des estampes de théâtre. Mais, s’ils se sont inspirés de lui, aucun n’est parvenu à atteindre sa force dramatique, ni surtout la pénétration psychologique qui émane de ses meilleures réalisations.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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